LA PERCEPTION DU MAL. Chapter IX

Publié le par David De.


CiblePentacle

Alexis est rentré à son Motel: il a envie d'une bonne nuit de récupération et autre chose qu'un sofa trop court et trop fragile pour sa masse imposante.(Chapitres précédents : LA PEUR DU VIDE. Part I Prologue, LA PEUR DU VIDE. Part II Chapitre I, LA PEUR DU VIDE. Part II Chapitre II, LA PEUR DU VIDE. Part II Chapitre III,LA PEUR DU VIDE. Part II Chapitre IV, LA PEUR DU VIDE. Part II Chapitre V, LA PEUR DU VIDE. Part II Chapitre VILA PEUR DU VIDE. Part II Chapitre VII., LA PEUR DU VIDE. Part II Chapitre VIII ).
Il a réussi a semer le germe du doute et de l'angoisse dans mon esprit fertile. Et ces derniers temps, c'est à toutes les semences.
Tous ces cauchemars qui me hantent chaque fois que ma conscience m'abandonne mais restent gravés sur la rétine...Je n'en ai pas fait depuis.
Je repense à la vidéo: je fonce jusqu'à l'ordinateur et ouvre le dossier concerné. Le fichier a une durée de 4h17 et je me souviens que l'enregistrement avait été interrompu quand Catherine m'a réveillé.
Je m'installe devant l'écran et ressens une peur qui remonte entre mes jambes. Comme une terreur sur le toit d'un building et proche du bord, de peur d'être poussé dans le vide.
Je double-clique sur le fichier et je me vois passer devant l'objectif et m'installer sur le sofa. J'avance un peu la "bande" quand quelqu'un frappe à la porte.
J'interromps la lecture et me dirige vers l'entrée. Décidément, tout le monde se ligue pour m'empêcher de la regarder! Je commence à redouter ce que je vais trouver sur cette vidéo...
J'ouvre la porte:
- Elysabeth? Tu n'es donc pas décédée, dis-je avec ironie.
- Comme tu le vois. Tu peux toucher aussi, pour être sûr.
Je lâche un léger rire et, sans un mot, lui fais signe d'entrer.
Elysabeth est une femme très élégante, qui n'oublie aucun détail sur ce point. De longs cheveux châtains très sombres aux reflets cuivrés sur des traits anguleux aux pommettes saillantes et aux grands yeux gris en forme d'amande sous des arcades très hautes la caractérisent et nous éblouissent. Elle est grande et fine, comme ses mains, blanches au vernis couleur bordeaux. Elle parait fragile mais on a vite fait de se détromper.
Elle entre et continue jusqu'au salon, puis s'assied très lentement en croisant les jambes qui laissent entrevoir la dentelle de ses bas. Je la rejoins et m'installe en face d'elle.
- 0n devait se voir il y a 3 jours, en fin de soirée. On n'est pas "synchro" tous les deux. Je ne te propose pas de t'assoir... Qu'est-ce que tu bois ?
- Un "téquila sunrise", répond elle.
- On n'est pas au Ritz. Plus conventionnel, s'il te plaît. Tiens: la vodka dans le seau de glace, qu'en penses-tu?
- Jus d'orange? demande Elysabeth.
- Pas d'orange.
- Juste le jus! Insiste-t-elle.
- S'il n'y a pas d'orange, il n'y a pas de jus non plus. C'est de l'orange pressée que je te servais le matin, tu te rappelles?
- Je ne l'avais jamais remarqué. Qu'elle vienne seule, alors.
Je vais chercher un verre propre, reviens et la sers: elle boit une grande gorgée et grimace.
On ne se disait rien, notre regard plongeait dans celui de 1'autre, comme si nos yeux parlaient à nos âmes respectives. Je m'approche d'elle... Son corps m'enflamme rapidement avec son parfum que j' hume jusqu'à l'ivresse que j'avais déjà épousée. Elle me dit:
- Prends-moi...
Je vais pour l'embrasser, elle me repousse:
- Juste dans tes bras!
C'est un rôle qu'elle aimait jouer: Mettre le feu un peu plus bas que vos entrailles, disparaitre puis revenir, faire durer le plaisir, comme on dit communément. Cà n'est pas du plaisir que de faire durer l'attente. Surtout si on est déçu après. .
Docile, je fais comme il m'a été demandé. Toutefois, comme à 1'accoutumée, je m'efforce d'éveiller tous ses sens. Mes mains glissent sur ses formes déjà brûlantes. Et son désir, comme le mien, décuple.
Je sens ses lèvres sur ma peau tandis que ses mains me caressent puis déboutonnent ma chemise et mon jean. Je sens ses lèvres me parcourir, de ma nuque à mon torse puis descendre jusqu'à l'aine et...
Elle s'allonge sur le sofa puis remonte sa jupe jusqu'aux hanches pour me faire découvrir ses bas qui tiennent tout seuls. Ses jambes s'ouvrent au gourdin de son bien aimé tyran et ses seins crient leur désir à mon âme concupiscente.
Je sens soudain remonter les vagues, la nausée et les restes de mon estomac ulcéré. J'avais l'impression de ne plus percevoir la réalité des autres. Absent. Dans ma propre réalité.
Elle se lève lentement, sans me regarder, rehausse sa jupe et sa culotte qui avait glissé entre ses fesses en demi-lunes. Elle allait encore me laisser seul. Si elle prévenait de ses visites, je serai mieux disposé...
- Arrête de boire, Armand, dit-elle en se rapprochant de la porte.
- On ne boit pas sans raison, lui crie-je. Et la raison est souvent une femme, dis-je en murmurant, après qu'elle ait claqué la porte derrière elle.
A présent, mes regrets sont en crue et le reste à vif. Elysabeth joue avec moi comme un chat avec une souris, avant de la croquer. Elle ne sait pas quand il en aura assez avant que son sang perle sur ses crocs. Moi non plus. Henry Miller disait qu'il fallait toujours être disponible pour une femme. Moi, j'ai plutôt l'impression d'être à disposition. Je bois ses mensonges en sachant que c'est du poison. Un breuvage amer, acide; une cigüe légère.
On préfère toujours l'eau limpide, on peut la boire sans crainte. Elysabeth me sert une eau trouble que je bois sans discuter: je n'en ai pas envie. De toute façon, elle est mariée elle aussi. A un énorme compte en banque.
Je suis un joueur comme Alexis. Je ne mise pas d'argent: je joue avec la vie. Un joueur se dit toujours qu'un jour, il gagnera. Un jour...On ne peut pas avoir la poisse toute sa vie. Si?
J'ai pourtant conscience de vivre une histoire insipide. Mais avec une odeur: celle de la merde. Si son mari apprenait qu'elle le trompe, elle ne risque rien. En revanche, mes "valseuses" risquent leur dernière danse à chacune de ses visites. Mais comment résister à cette ensorceleuse? A moins de lui percer le cœur (encore faudrait il le trouver...) avec un pieu, on ne peut se défaire du charme qu'elle exerce avec volupté. J'ai beau la renier, j'ai le sang qui remonte dans le bas de mes entrailles et me fait dresser le manche, comme la Valérie Q d'Alexis.
A croire que l'harmonie n'est accordée qu'aux sens: la musique pour l'ouïe, la cuisine pour le goût, le parfum pour l'odorat, la peinture pour la vue et le sexe pour le toucher. L'amour n'a aucun sens et pour la vie, on cherche toujours.

Mes petites pilules.. .Elles me restaient coincées dans le crâne et elles glissaient, s' entrechoquaient et faisaient fuir ma raison épouvantée par les sombres cauchemars que mon inconscient sécrétait sans cesse. Moi qui croyait éteindre ma conscience, je réveillai bien pire et bien plus terrifiant: mon inconscience gravée sur une piste de ma mémoire à laquelle j'avais accès au réveil.

Je retourne à mon écran et relance la vidéo: je suis assis sur le sofa; j'avance un peu la "bande" puis soudain, je me lève pour aller ouvrir jusqu'à disparaitre du champ de la caméra. Je réapparais avec quelqu'un derrière moi. Je stoppe l'avance rapide: le cadrage s'arrête à nos hanches et je ne peux identifier l'autre personnage. Il s'assied sur le sofa sans que je n'ai pu voir son visage, ni distinguer de détails tant la pièce est enfumée comme un tripot. Je m'installe en face de lui, puis commence un discours que je ne comprends pas tant le niveau sonore est bas: J'ai oublié de l'ajuster. Mes yeux paraissent totalement noirs; on ne distingue plus le blanc de l'œil. Aucun battement de cil, non plus. J'avance encore la bande très longtemps puis soudain, je me lève. La personne se redresse et se dirige vers la porte. Je disparais du champ du côté gauche de la caméra en me rapprochant du bureau. Je réapparais en tenant quelque chose de la main gauche, une forme noire, puis disparais complètement. J'attends une minute, puis deux; une troisième et me voilà revenu me réinstaller dans le sofa. Je n'avais l'air d'avoir aucun pet de jeu mais différent. Je ne me souviens pas de cette visite. J'avance encore la bande: je vois défiler le compteur jusqu'à plus d'une cinquantaine de minutes. Je me redresse ensuite et disparais encore du champ: j'interromps encore l'avance rapide et réapparais au bout de moins d'une minute. Je reste debout, l'air d'attendre, impatient, en faisant de grand pas, jusqu'à hors cadre droit puis gauche.
Il se passe une quinzaine de minutes sans que je ne cesse ce va et vient jusqu'au dernier, en fixant la caméra. Je disparais du champ et la vidéo s'arrête là.

Je l'ai arrêté. Pourquoi? Je n'en sais rien. "Mister Hide" le sait, lui. Il a compris que je voulais le piéger. J'ai bien l'impression qu'il veut prendre ma place.

Quelqu'un sonne à la porte. Je vais ouvrir:
- Bonsoir, Mr Drake, dit l'agent Chain tandis que l'agent Lock me fait un petit coucou de la main, derrière lui.
- Vous commenciez à me manquer, réponds-je. Je me suis inquiété.
- Tant que çà? vous me touchez. Il me bouscule et pénètre dans l'appartement. Lock, plus aimable, s'excuse du regard et le suit.
- Je vous en prie, entrez.
- On sait que vous possédez une arme, on a vérifié. L'arme qui a tué Viktor Stanczewski est la même que la vôtre mais le numéro de série a été effacé, dit Lock. Auriez-vous l'obligeance de nous la montrer?
- Je vous en prie! dis-je d'un air outré. Lock sourit, ayant saisi l'allusion tandis que Chain scrute le moindre recoin, comme à l'accoutumée.
- Arrêtez de plaisanter et montrez-nous votre arme, répond Lock.
- Avouez qu'elle était bonne, dis-je en me dirigeant vers le bureau.
- C'est quoi, la blague? interroge Chain, passant de lui à moi.
- Je t'expliquerai, lui répond Lock.
Je souris à Chain tout en me penchant vers le tiroir et l'ouvre:
Le Beretta avait disparu. Mon sourire se fait la malle et le "vertigo" d'Hitchcock me possède brusquement.
- Alors, et cette arme? demande Chain, agacé.
J'ouvre le tiroir du dessous, puis ceux d'en face: rien. Mon flingue avait vraiment disparu.
- On dirait qu'il y a un problème, Mr Drake, dit Lock.
- Je ne retrouve plus mon arme...
- C'est fâcheux, dit Chain. Vous allez devoir nous suivre pour quelques tests. Et un interrogatoire moins confortable.
Viktor aurait-il pris l'arme le soir où Catherine s'est présentée et que j'ai laissé seul dans le salon toute la nuit pendant qu'on s'envoyait en l'air? Au matin, il était absent.

On dit que quand on voit la mort venir (car c'est souvent le cas pour les oies blanches comme moi, dans les prisons américaines, à moins de devoir payer sa virginité du trou de balle ou de sa propre vie), on voit toute sa vie défiler. Quand on en a peur, oui. Mais pas quand c'est un mauvais film. Ce que je vois défiler, c'est un long couloir jonché de part et d'autre, de barreaux qui laissent dépasser des bras couverts de tatouages dans un vacarme incessant de rires obscènes. J'aurai préféré l'Enfer de l'au delà à celui-là...Mais je crois bien que l'Enfer, c'est ici bas.

Les flics m'aspergent d'un liquide qui va leur permettre de savoir si j'ai utilisé l'arme. Le test est négatif.
- Je n'ai pas touché à ce flingue depuis des années! Au temps où je tirais sur des boîtes de conserves, leur dis-je.
J'ai droit aux questions habituelles sur mon emploi du temps, des témoins, etc. Le seul témoin est l'œil de la webcam sur mon ordinateur... L'ombre noire que j'ai remis à cet homme pourrait être le beretta... Une partie du film qui devrait disparaître avant de me servir d'alibi. De toute façon, rien ne prouve que c'est mon arme!
Ils me disent que je peux partir puisque c'était un simple entretien. Je devine qu'ils ne croient pas à mon histoire et que le test ne prouve rien: un seul gant suffit à éviter l'incrustation de la poudre dans les pores. Ils doivent trouver un peu plus de grain pour leur moulin.
Voilà qu'ils vont finir par me convaincre, par leur acharnement, de complicité de meurtre alors que je n'ai même pas de mobile! Ils vont me tourner autour comme deux mouches prêtes à pondre dans un cadavre.

Je sors des bureaux un peu sonné et dévoré par l'incertitude. Décidément, ma vie n'est plus un long fleuve tranquille comme on dit communément. C'est un fleuve torrentiel qui parfois, me fait racler le fond. Un fond semé de pierres aiguisées. Je bois la tasse plus que de raison, ces derniers temps, mais je remonte toujours à la surface, les plaies de plus en plus piquantes au fur et à mesure que le fleuve se charge de sel et je m'approche de la mer pour m'y noyer et rejoindre le fond.

Si je suis l'auteur de ces atrocités, je devrais peut être me donner la mort. Ainsi cesseront peut être ces crimes épouvantables à en perdre la raison. Mourir seul et sans témoin... Pour ne pas être secouru.

Suite: LA PEUR DU VIDE. Part II Chapitre IX.

David de...